Corps brisés qui s’alignent comme autant de vies fauchées. L’espace qui bascule et se déconstruit. Les dessins et gravures réalisés par Zadkine durant la Première guerre mondiale sont ceux de l’implacable. Ces quelque soixante compositions de l’un des représentants majeurs de la sculpture moderne - que scande la sérialité elliptique des corps couchés et que distingue la radicalité des cadrages - n’avaient jamais été publiés dans leur intégralité. Des(T)ins de guerre en est l’édition pour la première fois réalisée, un tir croisé de mots et d’images faisant parler sur 112 pages ces éclats de guerre sur papier et plonger au coeur du travail de la psyché d’un d’artiste, arrivé à Paris de sa Russie natale en 1909, engagé volontaire en janvier 1916, gazé en septembre 1917, définitivement réformé en 1918, qui fut de ceux – à l’instar de ses amis Apollinaire la tête bandée, Cendrars la main coupée - qui en revinrent. Dont le destin fut d’en revenir. Tramant le livre, scansion en contrepoint de sa matière : l’oeuvre de Chris Marker, Owls at noon, Prelude : The Hollow Men, inspirée du poème de TS. Eliot, Les hommes creux écrit en 1925, succession de fragments de vers de l’écrivain américain, de photographies hallucinées de soldats blessés, d’images de femmes belles à pleurer selon une écriture bouleversant les conventions narratives pour dire le chaos, la disparition des repères et faire de l’objet-livre le reflet dans sa construction même de chaos . Croisant les angles, mêlant récit et réflexion, Des(T/s)ins de guerre est un livre d’art conçu comme un prisme, un livre à part , dont la singularité de manquera pas de retenir par son originalité, dans le cadre des commémorations de la Grande guerre, Des(T/s)ins de guerre.
