Oskar Kokoschka, Autoportrait, 1917 © Fondation Oskar Kokoschka/Adagp, Paris, 2022
Actualité

Au MAM, le talent furieux d’Oskar Kokoschka

Publié le 12 octobre 2022

Amateurs d’expressionnisme, à vos agendas : le musée d’Art moderne de la Ville de Paris consacre à l’Autrichien Oskar Kokoschka (1886-1980) sa première rétrospective parisienne. Riche de 150 œuvres, celle-ci révèle la profondeur d’un artiste immense, contemporain de Gustav Klimt et Egon Schiele, qualifié par le régime nazi de « dégénéré » et, surtout, infiniment indépendant. 

Oskar Kokoschka, Joueur de transe (Ernst Reinhold) Der Trancespieler (Ernst Reinhold),1909. Photo : J. Geleyns © Fondation Oskar Kokoschka / Adagp, Paris 2022

Oskar Kokoschka, Joueur de transe (Ernst Reinhold) Der Trancespieler (Ernst Reinhold),1909. Photo : J. Geleyns © Fondation Oskar Kokoschka / Adagp, Paris 2022

1886 : Oskar Kokoschka naît à Pöchlarn, en Autriche. À 18 ans, il entame des études à l’École des arts appliqués du musée des Arts et de l’Industrie à Vienne.
Dans cette ville où la Sécession viennoise laisse proliférer les courbes fertiles et végétales cousines de l’Art nouveau, aussi naïves que romantiques, l’artiste détonne. Il se rase la tête, dessine et peint furieusement.

Autour de lui, les réactions sont fortes, certains ne l’apprécient guère, voient en lui un sauvage, d’autres le soutiennent. Sa crudité explose dans des portraits sans concession, où la psychologie des modèles vient s’inscrire jusque dans leurs mains lourdes et disproportionnées – comme chez ce Joueur de transe (Ernst Reinhold) (1909) qui ouvre magistralement l’exposition du musée d’Art moderne… 

Oskar Kokoschka, Autoportrait, 1917 © Fondation Oskar Kokoschka/Adagp, Paris, 2022

Oskar Kokoschka, Autoportrait, 1917 © Fondation Oskar Kokoschka/Adagp, Paris, 2022

Kokoschka se lie d’amitié avec des architectes (comme Adolf Loos, radical auteur de l’essai Ornement et crime (1913), qui le fait renoncer au décoratif et aux alliances entre les arts), des auteurs, des galeristes.
L’éditeur berlinois Herwarth Walden (1878-1941), fondateur d’une galerie et d’une revue intitulée Der Sturm, lui propose d’en illustrer les pages et l’invite à Berlin. Il écrit une pièce de théâtre, Meurtrier, espoir des femmes (1908). Part à la guerre, en revient blessé, écœuré.

En 1917, il réalise un autoportrait troublant, tremblant sur fond bleu, qui donne à l’exposition son affiche. Tout au long de sa vie, il se peindra, seul ou avec un modèle, toujours sans égard pour son visage long et son menton épais. 

Le Peintre II (Le Peintre et son modèle II) / Der Maler II (Maler und Modell II), 1923 © Fondation Oskar Kokoschka / Adagp, Paris 2022

Le Peintre II (Le Peintre et son modèle II) / Der Maler II (Maler und Modell II), 1923 © Fondation Oskar Kokoschka / Adagp, Paris 2022

En 1918, Oskar Kokoschka commande à une amie artiste une poupée ressemblant à son ex-compagne, la compositrice Alma Mahler (1879-1964). Objet de fantasmes empreint de misogynie, cette poupée est autant un étrange bien personnel qu’une production artistique, Kokoschka se peignant avec elle, la faisant performer, poser avec lui.

En 1919, il devient professeur à l’académie des Beaux-Arts de Dresde, et y reste jusqu’en 1923. La toile Le Peintre II (Le Peintre et son modèle II) (1923) témoigne du style qu’il adopte à cette époque de sa vie, essayant de « résoudre le problème de l’espace, de la profondeur picturale, avec des couleurs pures, pour percer le mystère de la planéité de la toile. » 

Londres, petit paysage de la Tamise / London, kleine Themse-Landschaft, 1926 © Fondation Oskar Kokoschka / Adagp, Paris 2022

Londres, petit paysage de la Tamise / London, kleine Themse-Landschaft, 1926 © Fondation Oskar Kokoschka / Adagp, Paris 2022

Son père meurt en 1923, et provoque son départ de Dresde. Il voyage beaucoup, en Europe, en Afrique du Nord, en Orient, fait de longs séjours à Paris et à Londres, comme en témoigne sa toile Londres, petit paysage de la Tamise (1926).

En France, sa première exposition à la galerie Georges Petit en 1931 marque les esprits. Mais le peintre connaît de très grandes difficultés financières et rentre à Vienne, où l’ascension du fascisme se fait de plus en plus sentir.
Dès 1933, l’artiste entre en résistance. Il émigre à Prague, épouse l’étudiante en droit Olda Palkovská (1915-2004), publie des articles et organise des conférences pour alterner les foules sur les dangers du nazisme. 

Autoportrait en « artiste dégénéré » / Selbstbildnis eines ‘Entarteten Künstlers’, 1937 © Fondation Oskar Kokoschka / Adagp, Paris 2022

Autoportrait en « artiste dégénéré » / Selbstbildnis eines ‘Entarteten Künstlers’, 1937 © Fondation Oskar Kokoschka / Adagp, Paris 2022

Son Autoportrait en « artiste dégénéré » (1937), lumineux et chatoyant, dit tout son courage : le menton haut, il toise le spectateur en artiste courageux, avec derrière lui un paysage verdoyant, comme la promesse de lendemains meilleurs.
Mais Hitler est déjà tout puissant. Ses œuvres sont saisies dans les musées de Dresde dès 1932, exposées dans l’exposition itinérante et moqueuse « Entartete Kunst » (« Art dégénéré »), vendues aux enchères pour contribuer à l’effort de guerre.

Président honoraire de l’Union des artistes libres, le peintre s’implique d’autant plus pour la liberté. Il fuit à Londres où il reste jusqu’en 1946, y crée des œuvres allégoriques racontant l’Europe en guerre. Dès 1946, il emménage en Suisse et y reste jusqu’à sa mort en 1980, poursuivant avec foi un travail figuratif (il trouvait l’abstraction déshumanisante), fougueux, habité.
À (re)découvrir, donc. 

Informations pratiques

Oskar Kokoschka. Un fauve à Vienne

Exposition présentée jusqu'au 12 février 2023 au Musée d’Art Moderne de Paris
11 avenue du Président Wilson
75116 Paris

www.mam.paris.fr  
Réservation conseillée sur notre billetterie en ligne