8 mars 2024
Actualité

Ces femmes qui ont façonné nos musées

Publié le 7 mars 2024

A l’occasion de cette Journée Internationale des droits des femmes, nous vous présentons cinq courts portraits de femmes qui ont façonné les musées de la Ville de Paris !

Rhodia Bourdelle : la gardienne de l'atelier

Rhodia Bourdelle

Fille du sculpteur Antoine Bourdelle, Rhodia (1911-2002) a vécu une enfance choyée dans l'atelier de son père - le musée Bourdelle d'aujourd'hui. Sa mère Cléopâtre, son époux Michel Dufet et elle-même, transforment à force de ténacité et de passion ce lieu de travail et de vie en un sanctuaire ouvert au public : en exposant, en publiant, en éditant l'œuvre de Bourdelle. 

Le musée Bourdelle a été le lieu de vie de la famille Bourdelle depuis l’arrivée du sculpteur en 1885 jusqu’à la mort de Rhodia en 2002. Elle grandit aux côtés de son père, joue au milieu des sculptures qui, dans le clair-obscur du soir, jettent des ombres fascinantes.

Après son mariage avec Michel Dufet, Rhodia habite les ateliers jusqu’à sa mort ; gardienne du temple, elle reste attentive à le faire vivre en révélant son histoire. 

« Peintre de génie », selon son père, elle abandonne ses pinceaux pour mieux remplir sa mission. Présente aux côtés de sa mère à la suite de la mort du sculpteur en 1929, elle la soutient dans son combat pour faire de ce lieu un musée. Devenue conservatrice à la mort de Cléopâtre en 1972, elle n’aura de cesse de développer la collection, d’enrichir le parcours muséographique, de constituer une documentation, d’organiser des expositions, de maintenir des liens avec les élèves de Bourdelle et de faire connaître le musée bien au-delà de ses murs.

Valentine Prax : aux origines du musée Zadkine

Anonyme, Valentine Prax peignant, avant 1919

Anonyme, Valentine Prax peignant, avant 1919

Archives du musée Zadkine

Née en Algérie, Valentine Prax débarque à Paris en 1919, tout juste majeure et après trois années d’étude aux Beaux-Arts d’Alger. C’est très vite qu’elle fait la connaissance de son voisin, le sculpteur russe Ossip Zadkine, qui deviendra un ami, un mentor artistique et finalement son époux.

Leurs destins sont ainsi profondément liés. Ossip Zadkine lui fait découvrir le Paris des artistes et le courant des avant-gardes de Montparnasse. Tandis que l’imagination de Valentine Prax la Méditerranéenne entraîne Zadkine, qui puise à son tour aux sources vives de l’Antiquité gréco-latine.

C'est en 1928 qu'Ossip et Valentine quitte leur logement et atelier de la rue Rousselet, où ils travaillaient dans des conditions très précaires, pour la maison, rue d’Assas, qui deviendra le musée. Zadkine la convoitait depuis des années, mais ils n’avaient jamais eu assez d’argent pour en régler les premiers mois de loyer.

Au tournant des années 1930, Valentine Prax connaît un réel succès commercial et des expositions personnelles lui sont consacrées à Paris, Londres ou encore Chicago. Puis lorsqu’arrive la guerre, elle reste à Paris pour défendre leur œuvre. Plus tard elle convainc son mari d’embarquer pour les États-Unis. La peinture est alors son seul secours. « Cette période de la guerre fut la meilleure pour ma production artistique », confesse-t-elle.

Lorsque Ossip Zadkine meurt en 1967, Valentine Prax continue de peindre et d’exposer, mais lui fait aussi la promesse de veiller sur son œuvre. Elle a ainsi consacré une grande part de ses forces à la création du musée Zadkine, qui ouvre finalement un an après sa mort en 1981.

Des œuvres des deux artistes y sont ainsi exposées, révélant le lien fort qui unissent leurs deux productions artistiques.

Pauline Viardot : la voix du musée de la Vie romantique

Portrait de Pauline Viardot

Ary Scheffer, Portrait de Pauline Viardot,1840. Musée de la Vie romantique.

Pauline Viardot (1821-1910), née Pauline García est une des figures phares du musée de la Vie romantique.

Pianiste virtuose et cantatrice à la voix exceptionnelle, Pauline Viardot est une figure centrale de la vie romantique parisienne.

Elle a été élève de Franz Liszt (1811-1886) et a inspiré à Charles Gounod (1818-1893) son opéra Sapho, dont elle a été la première interprète en 1851.

Pour le musée, elle est aussi une figure centrale qui réunissait le monde de l'art dans son hôtel particulier du quartier de la Nouvelle Athènes. Autours d'elle ont gravités des figures telles que le peintre Ary Scheffer, le compositeur et pianiste Frédéric Chopin ou encore l'écrivaine George Sand, qui était une de ses meilleures amies.

Au deuxième étage du musée, c'est même une salle qui lui est consacrée. Et parmi les trésors des collections, il n'est pas possible de passer à côté de ce portrait de Pauline Viardot. Exécuté par le peintre Ary Scheffer, dans son atelier devenu musée, ce portrait imposant nous accueille et nous invite à découvrir l'histoire de la cantatrice.

Marie-Louise Jaÿ : entrepreneuse, philanthrope et collectionneuse

Portrait de Marie-Louise Cognacq

Jeanne-Magdeleine Favier, Portrait de Marie-Louise Cognacq née Jaÿ, 1903.

Dans le nom du musée Cognacq-Jay, il y a le nom d'Ernest Cognacq (1839-1928) et celui de Marie-Louise Jaÿ (1838-1925).

Créateurs des grands magasins de La Samaritaine, ils étaient aussi de grands collectionneurs d'objets d'art, ainsi que des philanthropes.

Marie-Louise et Ernest sont tous deux issus de milieux modestes et ont quitté leurs régions natales très jeunes pour trouver du travail à Paris. Le couple constitue donc un remarquable exemple d'ascension sociale liée à l'essor des grands magasins à la fin du XIXe siècle.

Forts de leur réussite parisienne, les époux n'oublient pas pour autant leurs origines provinciales : Ernest n'hésite pas à financer la création du musée d'histoire locale de l'Île de Ré en 1907, tandis que Marie-Louise crée la Jaÿsinia, jardin botanique alpin situé dans sa ville natale de Samoëns (Haute-Savoie).

Parallèlement à son activité commerciale, le couple poursuit son œuvre de philanthropie - principalement destinée aux employés de La Samaritaine - en créant notamment la Fondation Cognacq-Jay en 1916. Cette institution - toujours en activité - gérait un pouponnat, une maison de convalescence, une maison de retraite, un centre d'apprentissage, une maternité, un orphelinat et une maison de repos, et un ensemble de logements. 

De 1895 à 1925, à la mort de Marie-Louise, le couple collectionne de nombreux objets d'art et meubles anciens. Il réunit notamment une vaste collection d'art du XVIIIe siècle européen, dont Ernest a légué une grande partie à la Ville de Paris. 

C'est grâce à ce legs important, d'une collection réunie pendant toute une vie, que le musée Cognacq-Jay existe aujourd'hui !

Antoinette Sasse : peintre et résistante

Antoinette Sasse

Antoinette peignant le portrait de Paul Geraldy à Beauvallon, fin des années 1930 © Fonds A. Sasse, Musée du général Leclerc et de la Libération de Paris – Musée Jean Moulin (Paris Musées)

Le musée de la Libération de Paris doit sa naissance à la donation de la Fondation du Maréchal Leclerc de Hauteclocque ainsi qu'aux legs d’Antoinette Sasse (1897-1986) à la Ville de Paris.

Peintre et résistante, Antoinette est anticonformiste. Éprise de liberté et de modernité, sa personnalité est complexe. Élégante, femme du monde, c’est aussi une artiste et une sportive accomplie qui s’intéresse à la vie politique de son pays.

Son carnet d’adresses richement fourni - hommes politiques, diplomates, banquiers, avionneurs, mais aussi artistes - lui permet de fréquenter le Tout Paris. S’affirmant comme une peintre fauviste, amie de Léger, de Soutine et de Van Dongen, Antoinette expose dans différents salons. Femme d’affaires avisée, elle fait fructifier la fortune dont elle a héritée et s’assure un train de vie exceptionnel.

Résistante dès l’été 1940, elle devient une assistante précieuse pour Jean Moulin qui, relevé de ses fonctions de préfet, s’installe dans le Midi à Saint-Andiol où il œuvre pour la Résistance. Antoinette travaille aussi en 1942 pour le réseau Gilbert dirigé par son beau-frère, le Colonel Groussard.

Après la guerre, elle met sa ténacité au service de la recherche de la vérité sur l’arrestation de Jean Moulin jusqu’à ce que justice soit rendue.

Amie fidèle de Jean Moulin, elle lègue à la Ville de Paris, l'ensemble des archives et des biens qu'elle conservait. Son fond, exposé aujourd'hui, est constitué de photographies, lettres et dessins de Jean Moulin ainsi que de journaux, coupures de presse et souvenirs lui rendant hommage. Les photographies, dessins et correspondances personnelles d'Antoinette Sasse avec différents artistes et hommes politiques contemporains font également partie de cette collection.

 


Découvrez aussi ci-dessous, notre article présentant onze portraits de femmes présentes dans nos collections.

Qu’elles soient des femmes à l’image de leur époque ou bien nageant à contre-courant, figures militantes comme figures contrastées, cet article est consacré à cette diversité de figures féminines, qui forme les collections des musées de la Ville de Paris.


 

11 femmes pour 11 institutions
11 femmes