Walter Sickert, Autoportrait, Vers 1896, huile sur toile, Leeds, Leeds City Art Gallery © Leeds Museums and Galleries (Leeds Art Gallery), U.K. / Bridgeman Images
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Immersion dans les mystères du peintre Walter Sickert au Petit Palais

Publié le 22 novembre 2022

Réalisée en partenariat avec la Tate Britain de Londres, la rétrospective que consacre le Petit Palais au peintre britannique Walter Sicket (1860-1942) fait lumière sur une personnalité singulière, aux créations habitées de mystère. Le parcours chronologique et thématique révèle ses recherches sur les arts du spectacle, ainsi que sur les genres du portrait, de l’autoportrait et des nus, autant que son attrait tardif pour la reproduction d’images de presse. En avant-goût de cette incontournable exposition, découvrez ici cinq de ses œuvres… 

Un autoportrait qui en dit long

Walter Sickert, Autoportrait, Vers 1896, huile sur toile, Leeds, Leeds City Art Gallery © Leeds Museums and Galleries (Leeds Art Gallery), U.K. / Bridgeman Images

Walter Sickert, Autoportrait, Vers 1896, huile sur toile, Leeds, Leeds City Art Gallery © Leeds Museums and Galleries (Leeds Art Gallery), U.K. / Bridgeman Images

Walter Sickert naît à Munich en 1860 et grandit en Angleterre, où il débute une carrière d’acteur avant de se lancer dans l’art en fréquentant l’atelier de James Abbott McNeill Whistler (1834-1903).
À la fois peintre et graveur, enseignant et critique, l’homme change de casquette au fil des jours, et multiplie les autoportraits, immortalisant les variations de ses mille et un visage.

Cette huile sur toile datée vers 1896 offre un exemple des plus frappants : plongé dans une ombre brune, le peintre est posté de trois-quarts, échappant presque au regard du spectateur s’il ne tournait pas la tête, presque brutalement, et ne montrant qu’un seul œil sombre, fixe. Brossé à coups rapides, cet autoportrait témoigne avec éloquence de la précarité de sa situation de peintre – il peine alors à vendre ses toiles – et de son instabilité morale – sa femme, qu’il trompe à de multiples reprises, obtient le divorce en 1899. 

L’amour des music-halls

Walter Sickert, The PS Wings in the O.P Mirror ou le MusicHall, (1888-1889), huile sur toile, Rouen, Musée des Beaux-Arts © C. Lancien, C. Loisel / Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie

Walter Sickert, The PS Wings in the O.P Mirror ou le MusicHall, (1888-1889), huile sur toile, Rouen, Musée des Beaux-Arts © C. Lancien, C. Loisel / Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie

Walter Sickert se choisit pour second mentor Edgar Degas (1834-1917), peintre français célèbre pour ses représentations de théâtres, de scènes et de danseuses.

Alors que le sujet est parfaitement introduit en France, Sickert fait scandale en Angleterre avec ses scènes de music-halls qui lancent sa carrière dans les années 1880.
Loisir populaire lié dans l’esprit de la bonne société victorienne aux vices de la chair et de l’alcool, les music-halls offrent à Sickert l’occasion d’expérimentations plastiques sur ses cadrages comme sur ses mises en scène. Ici, un habile jeu de perspectives aidé d’un miroir donne l’impression que les spectateurs ne regardent pas la comédienne. Il peint aussi les arts du cirque, comme une acrobate vue dans une contre-plongée vertigineuse (The Trapeze, 1920)… 

Un portraitiste à part

Walter Sickert, Jacques-Émile Blanche, c.1910, huile sur toile, Londres, Tate © 2022 Tate Images

Walter Sickert, Jacques-Émile Blanche, c.1910, huile sur toile, Londres, Tate © 2022 Tate Images

Intéressé à double titre par le genre du portrait – notamment parce que c’est un art lucratif synonyme de commandes –, Walter Sickert multiplie dès les années 1890 les essais, utilisant ces œuvres comme autant de prétextes et de supports à ses recherches picturales. Ne cherchant guère à flatter, Sickert voit les clients se faire rares. Il excelle cependant dans la représentation d’amis ou de modèles anonymes, saisissant avec virtuosité l’âme et l’expression de ceux dont il est plus proches.

Ce portrait du peintre Jacques-Émile Blanche (1861-1942) frappe par la manière quasi pointilliste choisie pour traiter le visage. Il témoigne aussi du lien qui unissait les deux artistes, Blanche présentant à Sickert ses futurs galeristes parisiens (Durand-Ruel et Bernheim-Jeune) et quelques amis peintres (Monet, Renoir, Pissarro…). C’est lui, aussi, qui fait entrer Sickert dans les collections françaises en donnant au musée de Rouen plusieurs de ses œuvres. 

Des nus coupables ?

Walter Sickert, L’affaire de Camden Town, 1909, huile sur toile © Collection particulière

Walter Sickert, L’affaire de Camden Town, 1909, huile sur toile © Collection particulière

Dans la lignée de son effort pour renouveller le traitement du nu féminin en Angleterre, et influencé par le théâtre intimiste contemporain, Sickert multiplie les mises en scène étranges de nus isolés dans des chambres glauques, où les hommes apparaissent en ombres coupables. Cette peinture inspirée du meurtre d’Emily Dimmock nous parle aussi bien de l’intérêt de l’artiste pour les plus sordides faits divers que de sa propre ambivalence.

Lui-même fasciné par la figure de Jack l’Eventreur, il contribue à l’émergence de soupçons : serait-il un complice de Jack l’Éventreur, voire même le célèbre meurtrier ? La thèse, démentie, a été défendue en 1976 par Stephen Knight puis en 1990 par Jean Overton Fuller, preuve de la fascination durable qu’exerça Sickert sur les esprits. 

Transpositions

Walter Sickert, Pimlico, vers 1937, huile sur toile, Aberdeen © Aberdeen Art Gallery & Museums

Walter Sickert, Pimlico, vers 1937, huile sur toile, Aberdeen © Aberdeen Art Gallery & Museums

Pendant les quinze dernières années de sa carrière, Sickert s’attache à transposer sur la toile des images issues de la culture populaire : des illustrations victoriennes et des photographies de presse représentant des événements marquants comme des faits divers. Divers procédés techniques, comme la mise au carreau ou encore la lanterne de projection, lui permettent cela.

Très critiqué car remettant en question de façon radicale le rôle de l’artiste, Sickert est pourtant un novateur révolutionnaire, dont les techniques de reproduction seront reprises par d’emblématiques artistes de la modernité et de l’ère contemporaine, comme Andy Warhol (1928-1987) et Gerhard Richter (né en 1932) ! 

Informations pratiques

Walter Sickert. Peindre et trangresser

Exposition présentée jusqu'au 29 janvier 2023 au Petit Palais
Avenue Winston-Churchill, 75008 Paris

www.petitpalais.paris.fr

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